Monsieur Romain

dimanche, janvier 19, 2014

Teshima

Au Japon, j'avale les routes de la petite île de Teshima dans un petit bus Suzuki très étroit. 


L'île est verdoyante. Les plantes me semblent anguleuses, octogonales, piquantes. l'odeur de l'île est agréablement étrange et salée par la mer. 


Le paysage défile et les films de Miyazaki m'envahissent: ses esprits de la forêt, ni bons ni mauvais, mais violents et fous. Absolument possédés. 

Alors que je me laisse pénétrer par leurs tourments irrationnels, le petit bus s'immobilise. Face à moi, quatre yeux semblent m'observer, hallucinés. 


Loin d'être menaçants, je pense à deux lémuriens tapis dans les hautes herbes, encore stupéfaits du carnage provoqué par le passage d'un incontrôlable démon. 

Je m'approche d'eux et tente de les réconforter. Calmez-vous mes amis, tout va bien.


Impossible de les raisonner. Ce démon a figé à jamais mes deux amis dans leur stupéfaction. 

dimanche, janvier 05, 2014

Lost in La Manche


En mai dernier, j'ai rendu visite à mon ami Nicolas Ankoudinov à Bruxelles. Comme souvent entre amis, nous brûlons de réaliser un projet ensemble, histoire de se voir plus. Notre idée est de relier Calais à St-Pétersbourg en longeant la côte. Nous ferions une dizaine d'étapes durant lesquelles je filmerais Nicolas en train de jouer des solos de saxophone. Cependant, notre projet ne s'énonce pas encore de manière assez convaincante pour rallier l'immédiat intérêt du plus grand nombre. C'est pourquoi, un matin de mai, je propose à Nicolas un coup d'essai. Le temps d'un week-end, je saute dans un avion et atterris à Bruxelles.

Nicolas est grand, il s'habille sobrement, porte le cuir chevelu pétaradant et relativement gras. Signe distinctif: il a la blague facile. Lorsqu'une phrase bien sentie lui remonte le long du gosier, son air torve devient malicieux et ses yeux globuleux se plissent pour se métamorphoser en de fines amandes qui irradient de complicité. 

Pour nous rendre de Bruxelles à Calais, nous empruntons la Twingo d'un ami tromboniste. Nous sonnons chez lui. A la fenêtre du 5ème étage sans ascenseur sa compagne nous répond. Les clés nous parviennent dans un petit panier suspendu au bout d'une corde. Cependant, avant de nous élancer sur les autoroutes de Flandres, ladite compagne nous lance que notre ami tromboniste aimerait nous parler avant que nous partions. De quoi? Nous ne le saurons qu'après l'avoir rejoint dans un immeuble à proximité. Dociles, nous nous y rendons. 

En fait, il n'y est plus, mais une amie à lui, en plein déménagement, nous demande de l'aider à descendre une machine à laver du 5ème étage (elle aussi). Pressé de rejoindre la côte, je deviens tout blanc et Nicolas prétexte des maux de dos incurables. Notre tromboniste avait pourtant assuré à cette jeune fille que nous l'aiderions à descendre sa machine à laver dans la rue. Après un bon quart d'heure de discussions nous nous en tirons en descendant quelques matelas pas trop épais, mais très encombrants. 
En sueur, nous sautons dans la Twingo turquoise avant qu'une autre surprise ne nous retarde. Tel un diable en boîte, notre tromboniste fait son apparition à la fenêtre de la voiture. Coucou, ça va? Pris de peur, je mets un coup de gaz et manque d'emboutir la voiture parquée devant nous. Le tromboniste se fait menaçant: Eh mollo, c'est ma bagnole! Je m'immobilise, voyant venir une prise d'otage généralisée. Vous voulez pas monter boire un petit verre?

Bref, au final, nous sommes quand même partis. 

Arrivés à Calais, la voiture manque de s'envoler. Avis de grand vent. Nous voilà prévenus. 

Nous écumons en voiture le bord de mer pour finalement jeter l'encre au bord d'un petit chemin qui nous fait penser à un sexe féminin (voir photo titre). Nous nous laissons guider par l'odeur du large et débouchons enfin sur la plage, immense. La marée est basse, le vent tonitruant. Le sol sablonneux semble vivant. Il nous menace. Ou nous caresse. 



Sur ce rivage complexe, de petits organismes d'écume avancent cahin-caha. 



Face à l'horizon entremêlé de bleu et gris atlantique, Nicolas constate que ses doigts sont gelés, impossible pour lui de jouer du saxophone. Pour ma part, les bourrasques continues qui nous sifflent dans les oreilles achèvent de me faire avouer que ma prise de son ne sera tout au plus que minable. 
Sourire en coin, nous savons cependant tous deux que nous n'allons pas rebrousser chemin. Jusqu'au-boutistes, solos de saxophone sur la plage il y aura!
Bien entendu, ce fut une catastrophe. Nicolas s'est "chauffé" avec Force 5 dans la figure, mon enregistreur n'a fonctionné qu'une fois sur deux, tout comme d'ailleurs ma caméra qui n'avait plus de batterie peu après notre arrivée, me contraignant à filmer Nicolas avec mon téléphone portable. 

Je tiens malgré tout à vous faire écouter deux des improvisations qui ont survécu à ce Diên Biên Phu musical. La première sans image... Il faut l'imaginer.  



Pour la seconde improvisation, vous verrez au départ Nicolas piétiner, parce que nos pieds s'enfoncent dans le sable meuble et collant. Ode maritime, je ne sais toujours pas si une quelconque divinité marine a répondu à ces monologues. Peu importe, prier est tellement plus beau qu'être exaucé.



Morts de froid, nous avons ensuite mis les voiles pour l'hôtel Meurice: vieille France, cossu et à vrai dire pas si cher. Un hôtel pour des couples que nous ne connaissons pas, mais dont nous écoutons les aléas dans la salle à manger. Nous évoquons également la suite de notre échappée. Nos verres de Bordeaux font germer une idée: pourquoi nous acharner à jouer sur ces plages inhospitalières, alors que les environs regorgent de lieux singuliers comme notre hôtel? 
Dans un fumoir attenant à la salle à manger, nous nous installons. A proximité, nous entendons un chien japper, des clients s'en aller et les politesses de la réceptionniste. 



Irrésolus à aller nous coucher, nous nous mettons en quête d'un bar. Dans le Nord, plus l'environnement est hostile, plus les gens sont sympas. Nous faisons un nombre incalculable de rencontres. Notamment un type qui me tient la jambe pour que je participe au teknival qu'il organise prochainement dans les bois, parce que j'ai une bonne gueule. Suite à quoi je retrouve Nicolas en train d'embrouiller un videur qui ne veut pas laisser entrer un noir dans sa discothèque. Bien entendu nous n'entrerons pas non plus et un gros type dans la queue nous conseille d'aller voir au Channel, le bar est parfois ouvert tard. 

Arrivés là-bas, nous constatons que le Channel est en fait le centre culturel du Nord Pas de Calais. Faute de trouver le bar, nous trouvons une librairie. Elle est ouverte tard, car c'est soir de concert, Jacques Higelin. 



En partant, la vendeuse, beaucoup trop sympa elle aussi, nous indique le bar qui était en fait juste à côté. 

Accoudés au bar, nous enchaînons les bières belges tout en observant la clientèle locale. Des gens qui travaillent et vivent leur vie loin de la nôtre, sur ce littoral tranquille. 

Alors que le gérant tire le rideau de fer de la devanture, Nicolas entame un ultime solo derrière le bar. Jacques Higelin se pointe dans le cadre et écoute.



La nuit s'est terminée comme toujours au petit matin. 
Je ne m'étendrai pas sur notre petit déjeuner entourés des retraités et des familles de lève-tôt de l'hôtel Meurice, pas plus que sur l'urgente répétition à laquelle devait assister Nicolas dans un quartier flamand de Bruxelles et qui était en réalité programmée quatre heures après notre arrivée dans la capitale. 

En conclusion, je ne sais toujours pas à quoi doit ressembler notre futur projet, si ce n'est à un récit de voyage, bien plus détaillé que ce post que j'écris de mémoire avec huit mois de retard. Une chose est certaine: techniquement, je ne serai jamais prêt, c'est pourquoi je vous propose d'écouter une improvisation de Nicolas enregistrée en studio, sur une image de lui en train de subir le vent de notre plage de Calais, avec un son de vagues tout droit sorti de ma banque de sons et probablement enregistré en Californie!




mercredi, décembre 04, 2013

De l'électricité dans l'eau

Je ne suis pas certain de me souvenir très bien de tout ce qui m'est arrivé avant d'atteindre mes 6 ans. Cependant je me rappelle de quelques sorties spéciales de l'école, comme celles de la piscine de Contamines dont le fond est amovible. Une commande électrique reliée au mur par un gros cordon qui ressemble à celui d'un sèche-cheveux permet de varier la profondeur du bassinPetit, cette installation me terrifie. 

Alors qu'une des maîtresses l'active pour rehausser le fond de la piscine pour nos petites jambes, un bourdonnement inquiétant et proche de celui d'un monte-charge sous-marin m'omnubile. L'autre maîtresse nous passe en revue et nous interdit formellement de plonger dans le bassin. Si un plaisantin trempe ne serait-ce que le bout de son doigt pied, elle devient instantanément hystérique. 

Dans ma tête, ça continue de cogiter. J'établis un lien direct entre l'univers hostile que représente pour moi ce bassin et ce cordon électrique qui me rappelle celui du sèche-cheveu de ma mère. Pour comprendre, je dois rappeler qu'à l'époque ma mère me met en garde au moins une fois par semaine sur les dangers de se sécher les cheveux avec cet appareil vétuste lorsque le sol de la salle de bains est mouillé. C'est vrai que notre sèche-cheveux n'est pas de première jeunesse, mais je crois surtout que les circonstances de la mort de Claude François ont irrémédiablement choqué ma mère et qu'elle m'a transmis ce traumatisme de l'association électricité + eau. Je vous passe le couplet sur les hydrocutions l'été sur la plage, ce mot trop proche d'électrocution m'a poursuivi jusqu'à l'âge adulte. 

Bref, en slip de bain, les yeux écarquillés au bord du bassin, je suis persuadé que l'eau de la piscine de Contamines est totalement électrifiée durant le changement de profondeur. Je n'en dors même plus la nuit.

J'ai repensé à cette piscine de malheur en regardant ces petits kyotoïtes batifoler dans la rivière. Je me suis dit qu'au moins eux, ils n'avaient rien à craindre. A moins qu'une anguille ne vienne se faufiler dans les chaussons en caoutchouc qui abritent leur petits panards. 


Sur une petite île de la mer intérieure (qui doit certainement être le plus joli nom de mer que je connaisse), trop heureux de loger à vingt mètres du rivage, je m'apprête à aller me baigner. Je croise une vieille japonaise à la coiffure sixties proche de la perruque qui m'interpelle pour me mettre en garde: Cette année, la mer est truffée de méduses.


Quel gâchis! Ce paysage est si beau et semble si accueillant... Et pourtant: Ces eaux sont dangereuses. 

A l'aquarium municipal, je me rend compte à quoi ressemble l'envers horizontal de ce paysage paradisiaque. 



Pire que la piscine de Contamines: Le cauchemar intégral. 

dimanche, décembre 01, 2013

L'océan semble calme


Cette route japonaise est si large et si majoritaire dans l'espace que les blocs d'immeubles ressemblent à des îlots sur lesquels les humains s'agglutinent, bien heureux d'être au sec. Si cette mer de bitume semble calme, elle n'en est pas moins dangereuse. On distingue une légère ondulation à la surface, comme une petite houle qui signifie que quelque chose vit là-dessous. Si nous nous aventurions au milieu de cet espace nous serions probablement fauchés par un aileron qui sortirait à vive allure du macadam


Décontractées, ou inconscientes du danger, ces trois jeunes-filles attendent patiemment que le feu passe au vert pour pouvoir emprunter un de ces fameux passages piétons qui leur permettent d'éviter chaque matin de se faire hacher menu par un énorme mammifère marin. 
  

dimanche, février 10, 2013

Le chirurgien et le bourrin

Lors d'un récent reportage dans les cuisines d'un grand hôpital genevois, j'ai été frappé par le caractère chirurgical de la confection des mets, comme en témoigne ce cliché d'un chirurgien boucher préparant méticuleusement un petit rôti. 


Je dois néanmoins avouer que d'autres n'y vont pas avec le dos de la cuillère lorsqu'il s'agit de mélanger un sac de sel avec des spaghettis. 



mardi, juin 19, 2012

Le chien acarien

C'est triste à dire, mais ce chien ressemble à un acarien.


mercredi, avril 25, 2012

Cinéma photographique

Lorsque plusieurs photogrammes constituent une action, comme sur une pellicule, est-ce de la photographie ou du cinéma? Ou du cinéma photographique?


Cette femme s'apprête dans une chambre d'hôtel. 
En allant chercher son écharpe et son sac près du lit, elle crée un hors-champ qui agrandit l'espace mental du plan en faisant appel à notre imagination. 
Ce plan vide nous rend sensible au drapé des rideaux, fins et féminins. 
De retour à l'intérieur du cadre et baignée de lumières saumonées, cette femme semble penser à quelque chose. 
Pourquoi se retourne-t-elle subitement? 


Si nous avions le son, nous le saurions.  







lundi, avril 16, 2012

Salut mon ami

Vendredi 6 avril 2012 autour de 14h mon ami Tristan est parti avec l'assistance d'Exit vers un monde inconnu, dans lequel, aujourd'hui, il vole peut-être. Ou peut-être qu'il nage, lui qui aimait tellement ça.  
Je n'avais pas envie d'être à Genève le jour de son départ. Je suis parti sur la route avec mon amie pour rouler pendant quatre jours. Vendredi à 14h, nous nous sommes arrêtés pour prendre cette photo de bord de route. 


Tu partais. Moi je restais. Je voulais être sûr de te dire au revoir à ce moment-là. Cette photo est là pour ça.



vendredi, mars 30, 2012

Poisson Sexe

Dans un magasin de poissons vivants, j'ai filmé ce spécimen à l'allure manga. 
Il dort en suçant la vitre comme on suce son pouce. Il bat nonchalamment de la queue et rêve sans doute à quelque chose de simple. Peut-être à la femelle qu'il rêve de féconder. Peut-être n'est-ce pas son pouce qu'il suce, mais le corps de celle qu'il désire. 


Mon amie, attirée par l'attention que je porte à cet aquarium, me rejoint et décide de filmer également ce poisson, rallongeant son quart d'heure de gloire d'une poignée de secondes. 
Elle appuie sur rec. Tout porte à croire qu'elle va filmer à peu près la même chose que moi: Un petit poisson plongé dans un rêve érotique d'une douceur sans égal. Mais soudain, l'impensable se produit! Le rêve érotique de ce petit animal se transforme en une véritable boucherie. Sous le coup d'une pulsion irrépressible, il rêve qu'il dévore sa partenaire!


samedi, mars 17, 2012

Entrée interdite

Comment ce chien peut-il regarder sur sa gauche alors que son reflet m'observe? Est-ce son âme, prête à s'envoler si la vie le quittait subitement? Ou est-ce un seul et unique chien qui posséderait trois oreilles et trois yeux?



Quelle monde étrange cette porte indiquant entrée interdite scelle-t-elle? Pourquoi n'ai-je pas le droit de pénétrer cet au-delà? Dois-je payer un macaron? Ou faire du yoga bikram? Ou prendre de la drogue? 
En réalité, il y a deux chiens. L'un devant et l'autre derrière la porte. Mais c'est beaucoup plus intéressant de considérer qu'il n'y en a qu'un. 
Je t'aime beau chien. 

mardi, novembre 01, 2011

22, rue de Candolle

Ma mère a terminé de déménager hier de l'appartement dans lequel je suis né il y a trente et un ans. Appartement dans lequel j'ai mangé pour la première fois des cerises, de la polenta, de l'Aromat, du gigot d'agneau, des noix et même du sucre. J'y ai lu mes premiers Tom Tom et Nana, déchiré mes premières lettres d'amour, percé mes premiers boutons remplis de sébum et beaucoup espéré en observant le plafond de ma chambre.

La première salve de ce tsunami fut d'enlever la plaque de l'institut de beauté de ma mère qui jouxtait l'appartement. Par quoi la pierre a-t-elle été marquée?


Par le temps ? Par l'usure? Mais de quoi? Pourquoi de l'usure? Quelle injustice cette usure. Je n'ai jamais demandé à avoir affaire à cette usure. Ni moi, ni mon immeuble, ni mon corps qui se marque de taches à mesure que je m'use. 

Puis, est intervenu la valse des meubles, des sacs poubelles, des amis déménageurs, du fatras et de ma mère perdue au milieu du salon à moitié vide. Et de moi irascible. 

Dans d'immenses armoires, ma mère a stocké pendant des années tout ce que conserve une mère: Des valises, des palmes, d'innombrables piles de draps, des outils qu'elle n'a jamais su utiliser, des dessins d'enfants (ma soeur et moi) et bien sûr un ou deux miroirs. 
Ces immenses armoires étaient tapissées de ce papier à fleurs vertes, punaisé de partout. 


Parce qu'on devrait bien partir un jour, on ne l'a pas collé. Trente et un ans après, j'ai eu pour mission de la dépunaiser. Des milliers de punaises extraites à l'aide d'un petit couteau de cuisine. Elles tombaient par terre et je marchais dessus. J'ai arraché cette tapisserie dans les moindres recoins de ces immenses armoires encastrées dans le mur, à quatre pattes jusque perché sur notre vieille l'échelle en bois, le corps en extension. Puis j'ai enlevé unes à unes les punaises enfoncées dans la semelle de mes chaussures, patiemment, avec l'assistance de mon petit neveu Louis qui a trois ans. Je crois qu'il en a enlevé une, ou quelques-unes. 
En partant, j'ai oublié ma veste noire. 
Je suis repassé le soir suivant pour la chercher. Il n'y avait plus d'électricité et ma mère avait emporté ma veste avec tout le petit bordel qui restait. Les pièces étaient vides, plongées dans l'obscurité. Je les ai revisitées à la faible lumière de mon téléphone portable. 

Ca peut paraître pathétique mais... 

Au revoir appartement.
  

samedi, octobre 08, 2011

La Suisse, c'est nickel

Tout ces gens qui viennent du monde entier vivre en Suisse doivent parfois se dire qu'on forme une belle bande de névrosés. La fine équipe.    


En effet, on leur fait nettoyer des partie de nos bâtiments qui n'ont même pas vraiment de nom (oui, c'est une sorte de plinthe, mais en même temps ça a plutôt l'air de cacher des câbles électriques... Donc on va dire qu'ils doivent nettoyer le dessus des caches-câbles électriques), en se servant d'une méthode vraisemblablement dite "de la serpillère" qu'a dû imaginer un expert en nettoyage suisse-allemand (c'est plus drôle s'il est suisse-allemand) pour une efficacité optimale. Isch huere geil! A-t-il dû se dire en créant cette méthode digne des plus belles heures du fordisme. 


Sans parler des hectares de sols type "salle de gym" que ce néanmoins charmant sri-lankais doit cleaner chaque jour (je me suis toujours demandé qui dessinait ce type de motifs), le tout chaussé de délicieux sabots médicaux. 
Euh... C'est quand la naturalisation?

dimanche, septembre 04, 2011

des agaves et des nains

Ca fait trente ans que je vais en vacances au même endroit en Corse. Je me baigne sur les mêmes plages, je mange les mêmes gambas et la même quantité d'ail à chaque fois. J'adore ça. Cette île a peuplé mon enfance d'immenses rochers, de poissons terrifiants et d'histoires interminables imaginées alors. 

Crédule comme pas deux, ma famille m'a toujours fait croire à un tas de choses complètement absurdes. Ma soeur m'a par exemple fait croire que sa poupée favorite était vivante... Et tout simplement muette. Cette poupée me terrifia, elle hanta mes nuits jusqu'à ce qu'un jour, âgé de vingt-cinq ans, je retombe nez-à-nez avec elle dans le cagibi de ma mère. Enfer et damnation, elle est toujours vivante! fut la première chose qui me vint à l'esprit. Mais c'était sans compter sur le cartésianisme de mon esprit et l'expérience que j'ai acquise en matière de poupée: Il n'y a pas de poupées vivantes. J'ai ri à la figure de cette poupée malfaisante et suis sorti fièrement de cet étroit cagibi. En éteignant la lumière, j'ai tout de même ressenti une certaine culpabilité en me voyant la laisser seule dans le noir, ses grands yeux bleus ouverts, cherchant désespérément une âme d'enfant à distraire... Pour l'éternité.


Ma mère avait également le don de faire mousser ma crédulité. 
   
Un jour de vacances, en revenant de la plage, nous sommes passés devant une petite maison. J'ai demandé pourquoi la porte était si petite et la serrure si basse. 




Elle m'a répondu: 
- Parce que ce sont des nains qui habitent là.
- DES NAINS! ON PEUT LES VOIR?, lui demandai-je, hystérique. 
Nous sommes allés guigner comme nous pouvions entre les fissures séparant la porte et le mur. Rien. Mon cousin m'a pris sur ses épaules pour que je puisse voir entre les plantes entourant la maison. Toujours rien. 
- Ils se cachent, assurai-je à ma mère. 
- Oui, ils ne sortent que rarement et ils ne sont pas très gentils non plus. 
- Ah bon!?
- Ils sont méchants. 
- DES NAINS MECHANTS!
Je n'allais jamais m'en remettre. 


Cet été, j'ai montré la maison des petits nains à mon amie, en lui racontant que je n'avais jamais réussi à les voir et que ma mère m'a dit un jour qu'ils étaient partis. Je lui ai avoué que même si je ne les avais jamais vus, je les imaginais bien. Très bien même. 
Elle me fit remarquer cette agave devant leur porte. 




Les agaves sont des plantes épineuses pas bien grandes qui produisent une fleur après 15 ans de vie. Mais quelle fleur! Une fleur de dix mètres de haut, épuisant tant l'agave qu'elle en meurt, laissant son pollen se répandre autour d'elle grâce à des chauves-souris, son animal pollinisateur. Une seule fleur en une vie. Comme une immense érection avant de mourir en pleine jouissance. Et tout ça devant chez les petits nains!


Le soir même, du sable collé partout sur les pieds et du sel sous le t-shirt, nous croisons mon oncle sur le petit parking qui borde notre maison. Je lui demande s'il sait ce que sont devenus les petits nains de l'Isolella.
Petit silence. 
- Les petits nains? me demande-t-il.
- Oui les petits nains qui ont la maison au bord de la plage. 
Mon oncle rigole un peu et enlève ses lunettes de soleil. 
- Tu sais Romain, je crois que c'est ta mère qui les a inventés les petits nains. Ils n'ont jamais existé. 
- Ah ouais... Bien sûr, c'est clair. 
  
Je crois que je l'ai toujours su. 
Mais j'ai préféré confondre le monde réel et celui de mon imagination plutôt que de vivre comme quelqu'un qui cherche sans cesse à connaître les trucs des magiciens. J'avais simplement envie d'y croire. 


Plus tard, nous avons visité un cimetière marin. Il y avait ce caveau que des sangles enlacent pour l'empêcher d'exploser. 




Il m'a fait penser à une agave qui se retient avant de propulser sa tige fleurie à dix mètres de haut. 


Je ne sais pas pourquoi, sur la plage, j'ai eu le blues. 
Je trouvais dingue le nombre de gens qui se baignaient là. Je me suis dit que chacun d'eux avait au moins une fois dû croire à des bobards étant jeune et que certains avaient encore envie de s'en prendre plein la gueule. 



mardi, août 09, 2011

comme si on m'avait forcé à respirer du méthane

Lors d'un récent reportage photo, j'ai été amené à photographier un chantier dans un bâtiment qui ne me plaisait pas, dans lequel je me sentais oppressé comme dans un cercueil. C'est là que je suis tombé sur ces deux bouteilles de gaz qui semblaient elles-mêmes étouffer. 


Dans l'ascenseur, j'ai regardé si je pouvais m'enfuir par le plafond comme dans les films américains.




NO WAY!




lundi, juillet 11, 2011

les vraies vacances

Les vraies vacances, c'est prendre le ferry. C'est marcher sur des quais gigantesquement vides, les épaules accablées par un soleil enclume et contempler des pièces d'industrie dont je ne saisis pas l'utilité. 


C'est voir les employés du port ne rien faire.

C'est ressentir le vent imbibé de sel dans mes cheveux qui durcissent à son contact pour devenir collants. C'est regarder bêtement la mer et ses moutons, sa texture foncée de papier craquelé. Etre seul. 


C'est aussi croiser des gens qui n'en n'ont rien à foutre de ce que je raconte là. 


Ils éprouvent des sentiments forts à l'égard de personnes dont j'ignore l'existence. Leur vie reposent sur des bases que je ne connaîtrai jamais. Cet homme par exemple, avec combien de femmes a-t-il fait l'amour? Qu'aimaient-elles chez lui? Son timbre de voix ou ses mensonges?


Et elle, à quoi pense-t-elle? Pourquoi a-t-elle si peur?


Et eux? 





  

samedi, juin 11, 2011

t'es pauvre? Eh ben t'as qu'à manger de la merde

J'ai la chance de pouvoir profiter de temps à autres d'une jolie maison familiale à la campagne. Je joue à l'avion avec ma filleule, je mange du gigot et je digère au soleil. En général, vers 17h, nous allons nous promener dans les champs. 
Dimanche dernier, en rentrant de balade, nous tombons sur cet pancarte accrochée sur une maison du voisinage. N'hésitez pas à cliquer dessus pour l'agrandir. 


Je vous passe volontairement ma déception d'avoir des voisins qui acceptent des publicités Carrefour sur leur mur, vermine colonisante, rampante et polluante. 
Nous avons lu attentivement le contenu: Pour 1 euros chez Carrefour, on mange un bol de salade de carottes insipides avec un quart de citron posé dessus (vitamine C), un "yaourt" à la cerise (le parfum qu'une personne sur cinq apprécie), deux demi-tranches de pain de mie qui colle au dents, une tranche de jambon pliée en deux pour faire plus gros et trois cuillérée de flageolets en boîte histoire de pétouiller quand on met les enfants au lit. Même dans le TGV ça a l'air meilleur. 
A mon avis, les gens qui mangent ce genre de frugalités à chaque repas ne passent pas la barre des trente ans. Surtout s'ils suivent consciencieusement la recommendation inscrite en bas de l'affiche: Pour votre santé, évitez de grignoter entre les repas. 
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jeudi, juin 02, 2011

12 museaux de porc suisse


Cette photo de groins moelleux comme des marshmallows a été prise à Manor, non loin de chez vous. 
Vous mangez ça vous?


vendredi, mai 20, 2011

la vierge m'est apparue

Pisser contre un arbre en pleine ville peut paraître inconvenant ou obscène. En fait, tout dépend des couleurs et des formes. L'inclinaison de la nuque de ce jeune homme donne à sa silhouette une allure de madone. Il pourrait porter le Christ dans ses bras, sorte de vierge à l'enfant du parc des Bastions, vue de dos. La couleur turquoise de son t-shirt adoucit la bassesse de son acte en le confondant avec la nature environnante. Comme pour densifier encore l'atmosphère tragique de la scène, des barreaux s'élèvent comme des lances romaines afin de défier quiconque d'approcher ce trésor.  


vendredi, mai 06, 2011

mon beau-frère



















Mon beau-frère est entrepreneur, il a une femme (active), quatre délicieux enfants, un chien obèse, un petit chat, huit poules et un coq. Comme vous pouvez le lire en bas de l'image, la photo a été prise le dimanche 3 avril 2011 à 15h28 (par mon père). Chaque dimanche en famille, après avoir mangé du gigot et filmé ses enfants... Chaque dimanche, Jean-Paul plonge dans un sommeil bleu et moelleux comme le coussin qu'il a sur les genoux. 
      

samedi, avril 30, 2011

le grand frisson devant la machine à café

Un jour de ma quatorzième année, en Corse, ma tante Simone me dit que tout réside dans la première impression. 
Alors que les vacances se terminent, sûre de son fait, elle m'envoie chez le coiffeur afin que j'aie l'air "fresh" pour la rentrée du cycle d'orientation. C'est là que tout bascule... En effet, le coiffeur corse de "Jok'Hair" (situé entre le Shopi et le magasin de cartes postales et de crocodiles bouées) me fait une authentique "coupe palmier" (expression de ma soeur), ce qui m'a permis d'avoir plus ou moins la même tête que Tahiti Bob à la rentrée de septembre où je connaissais personne et où il est si important de se faire des copains, sinon on reste seul toute l'année, on devient geek et on rate sa vie, sauf si on est super fort en code informatique et qu'on devient très riche, là, tout (re)bascule. 
Résultat des courses, ma tante avait raison, la première impression fut... mauvaise et j'ai dû attendre bien longtemps pour avoir ma première petite amie (j'ai mis le paquet sur l'humour (conseil de ma soeur)).

Bref, en voilà une qui m'a fait sacrément frissonner quand je me suis retrouvé face à elle... Et pourquoi? 
Parce qu'elle s'est fait grave retoucher le sourire en agence par un petit gars devant son Photoshop. 


Résultat des courses 2: La première impression qu'elle m'a fait, c'est qu'elle ressemble à Montgomery Burns...
Vengeance. 




samedi, avril 23, 2011

ca chauffe à Lutry

Ces jours-ci, j'expose une installation de cartons dans un galerie genevoise. L'exposition s'appelle "Viande". Eh bien j'aurais très bien pu exposer cette photo... J'avoue qu'il y a une forme d'inconscience qui me plaît dans cet abandon à un sommeil profond pour cramer au soleil en bottes de chantier après manger. 
Un ballon de rouge à midi et après... On verse.



vendredi, avril 22, 2011

consulat de France j'écoute

Ca fait quelques temps que ma petite copine se rend au consulat de France à Genève pour refaire son passeport. J'écoute ses déboires administratifs d'une oreille parfois distraite tout en cuisinant un authentique papet vaudois ou encore du riz casimir. 
Un soir, alors ma casserole crépite, mon amie me montre cette photo prise avec son téléphone portable. A la dérobée, elle photographié la secrétaire du consulat de France.



Comme une synecdoque, tout l'univers du consulat se matérialise dès lors à l'intérieur de mon cerveau mou via l'architecture de ses lunettes, le choix de la couleur de son rouge à lèvre et de son fard à paupières, le design du combiné téléphonique, la touche retro de son collier de perles, sa coiffure étudiée, la coupe de sa robe ou encore ses taches de rousseur et le teint halé d'une femme inévitablement née sur la côte d'Azur. 


mercredi, mars 30, 2011

la Suisse est un sanatorium

Bien qu'on ait les combats de Reines, Lara Gut et la sauce Maggi... Valser, c'est une eau assez suisse. 


mardi, mars 29, 2011

au Liban comme ailleurs, la politique est une question d'esthétique



Petit moment de solitude, ode à l'immondice, extase de pacotille, la personne qui a placé cet effrayant petit père Noël sur cette charrette merdique a certainement revêtu son canapé d'une housse en plastique un peu rigide pour éviter de le salir (tout comme son clavier d'ordinateur). 

Lorsqu'on apprécie ce genre d'esthétique, on doit certainement voter pour des gens tout aussi sinistres. Surement pour ce bonhomme-là, apparemment déjà détesté par quelques mammifères griffus de Beyrouth.  

dimanche, mars 06, 2011

je me suis cru sur Sirius

Ce matin, j'ai décidé d'aller acheter du lait à la boulangerie Pouly. 
Vêtu de baskets, d'un bas de training et d'un t-shirt "tableau périodique des éléments", je m'enveloppe d'un grand manteau noir pour affronter le froid sec et ensoleillé de cette fin d'hiver. Si on ajoute à cela ma barbe et mes cheveux en bataille, j'ai tout l'air d'un mystérieux magicien. 
Alors que je m'approche de la porte de la boulangerie, je me retrouve pris en tenaille par un couple qui cherche à entrer en même temps que moi. Cet imbroglio de mains entremêlées sur la poignée de porte nous amène tous trois à l'intérieur. 
Stupeur, l'homme qui vient de m'inspirer tant de vibrations contradictoires n'est autre que Michel Tabachnik, chef d'orchestre et ex-intervenant de la secte du Temple Solaire. Je le prends en photo à la dérobée. 
























L'homme se retourne vers moi, comme gêné par les signaux massifs d'attraction-répulsion que j'éprouve pour lui. Il se déplace et me toise des pieds à la tête: Comble de l'ironie, Michel Tabachnik me trouve louche!