mardi, novembre 01, 2011

22, rue de Candolle

Ma mère a terminé de déménager hier de l'appartement dans lequel je suis né il y a trente et un ans. Appartement dans lequel j'ai mangé pour la première fois des cerises, de la polenta, de l'Aromat, du gigot d'agneau, des noix et même du sucre. J'y ai lu mes premiers Tom Tom et Nana, déchiré mes premières lettres d'amour, percé mes premiers boutons remplis de sébum et beaucoup espéré en observant le plafond de ma chambre.

La première salve de ce tsunami fut d'enlever la plaque de l'institut de beauté de ma mère qui jouxtait l'appartement. Par quoi la pierre a-t-elle été marquée?


Par le temps ? Par l'usure? Mais de quoi? Pourquoi de l'usure? Quelle injustice cette usure. Je n'ai jamais demandé à avoir affaire à cette usure. Ni moi, ni mon immeuble, ni mon corps qui se marque de taches à mesure que je m'use. 

Puis, est intervenu la valse des meubles, des sacs poubelles, des amis déménageurs, du fatras et de ma mère perdue au milieu du salon à moitié vide. Et de moi irascible. 

Dans d'immenses armoires, ma mère a stocké pendant des années tout ce que conserve une mère: Des valises, des palmes, d'innombrables piles de draps, des outils qu'elle n'a jamais su utiliser, des dessins d'enfants (ma soeur et moi) et bien sûr un ou deux miroirs. 
Ces immenses armoires étaient tapissées de ce papier à fleurs vertes, punaisé de partout. 


Parce qu'on devrait bien partir un jour, on ne l'a pas collé. Trente et un ans après, j'ai eu pour mission de la dépunaiser. Des milliers de punaises extraites à l'aide d'un petit couteau de cuisine. Elles tombaient par terre et je marchais dessus. J'ai arraché cette tapisserie dans les moindres recoins de ces immenses armoires encastrées dans le mur, à quatre pattes jusque perché sur notre vieille l'échelle en bois, le corps en extension. Puis j'ai enlevé unes à unes les punaises enfoncées dans la semelle de mes chaussures, patiemment, avec l'assistance de mon petit neveu Louis qui a trois ans. Je crois qu'il en a enlevé une, ou quelques-unes. 
En partant, j'ai oublié ma veste noire. 
Je suis repassé le soir suivant pour la chercher. Il n'y avait plus d'électricité et ma mère avait emporté ma veste avec tout le petit bordel qui restait. Les pièces étaient vides, plongées dans l'obscurité. Je les ai revisitées à la faible lumière de mon téléphone portable. 

Ca peut paraître pathétique mais... 

Au revoir appartement.
  

1 commentaire:

lostintergiversation a dit…

Il est très très beau ton texte et il m'a émue. je t'embrasse. Mimi