Paul, le coursier

Comme je ne trouve personne pour déplacer mon immense tirage carré de plus d'un mètre vingt de large de la galerie à chez moi, j'appelle un ami photographe. Il me répond: 

- Je t'envoie mon coursier, il est génial. 

Et je vois arriver Paul, 76 ans, rachitique, immense et motivé comme pas deux. J'ai d'abord cru à une réincarnation de Pervers Pépère, BD nulle de mon adolescence. 
Après avoir humé les premières effluves de son accent belge à couper à la tronçonneuse Stihl, je brise la glace en lui racontant que la rue de la galerie est vraiment merdique parce qu'en sens unique... Il m'interrompt soudainement: 

- T'as déjà vu quelque chose qui fonctionne en Belgique? 

Paul est lancé. Ou presque, j'ai réussi à lui demander pourquoi il est arrivé en retard. 

- Les flics. 

- Comment ça?

- Ils contrôlent les réservoirs. Alors nous autres nous sommes bien obligés de prendre le diesel à la pompe. 

- Parce que pas tout le monde va à la pompe? 

- Ben non dis, on met du mazout, ça roule tout aussi bien. 

- Ah oui. C'est pour ça les contrôles...

- Et tout le monde se fait avoir!

Jusque-là je n'avais jamais vraiment soupesé aussi lourdement l'impact de la crise.

Post scriptum: Paul a pour hobby de se faire prendre en photo chaque année avec la nouvelle Miss Belgique.