mardi, février 16, 2010

Et vous êtes? A l'aéroport

J'ai récemment fait un petit voyage de saison à Berlin, ville de musique et de neige.
A l'aller, une charmante demoiselle s'assied à côté de moi dans l'avion. La piste croule sous la neige, elle nécessite d'être déblayée. Le commandant nous annonce trente minutes d'attente avant de décoller. Feignant la distraction, un instinct primaire me pousse à demander à ma voisine combien de temps le commandant vient d'annoncer de retard. Sans même me lancer le moindre regard, elle me répond I don't speak french. Mes oreilles sifflent. D'une main souple et affublée de faux ongles qui me donnent des frissons dans le bout des doigts, elle sort un livre de son sac. Guerrier, je réitère ma question en anglais. Toujours sans me regarder, ma voisine à l'accent russe me gifle d'un assourdissant I don't know

Alors que l'avion s'apprête à décoller, je remarque que son livre est ouvert à la page 4. Une sorte de polar d'aéroport. Toujours blessé dans mon ego, je décide de la priver de toute conversation pour le restant du vol. J'épie malgré tout quelques-uns de ses faits et gestes. 
Cette jeune femme aux jambes ma foi très fines ne semble pas avoir la moindre intention de lever le nez de son livre. Je me plonge alors dans la lecture passionnante du mien, An American Dream de Norman Mailer.
A l'arrivée, ma voisine est toujours prostrée devant son polar. Je me dis que cette malheureuse se passionne de lecture et que nous aurions très bien pu nous entendre. Curieux, je scrute le numéro de la page à laquelle elle s'apprête à refermer son livre. 
Mon sang se glace. 
Elle en est toujours à la page 4. 
Dans quelle souffrance doit-elle errer pour se réfugier dans la contemplation du pavé de lettres de la page 4 de son roman ? 
Un abysse se creuse à l'intérieur de mon front.
Avant de descendre de l'avion, j'ai pris cette photo d'elle à la dérobée.


Après un week-end très dansant, j'ouvre à nouveau mon livre avant de monter dans l'avion qui me ramènera chez moi. 
Lors d'une respiration de lecture, mon regard se pose sur un homme assis non loin de là. 

Tel un navigateur des temps anciens, il porte un tricorne. 

Une fois encore, je vole une image comme on écrit un SMS.  















Il porte un jeans et des chaussures noires. Je m'éloigne et me demande pourquoi cet homme qui me ressemble dans le reste de ses vêtements a décidé de porter le tricorne. J'explore plusieurs pistes sans vraiment m'y retrouver et gravis les escaliers de l'avion dans un froid glacial.
Abaissant le dossier de mon siège, je conclus que ma compréhension du monde est parfois bien subjective.

J'ai dormi comme une brute. 

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